Le portage salarial en France (5/5) Le dernier volet de notre série porte sur l’évolution de l’image du portage salarial, alors qu’une ordonnance a été adoptée par le gouvernement le 2 avril 2015 pour élargir les conditions de recours au portage salarial.
Les réalités exposées dans nos précédents articles laissent entrevoir une image du portage salarial plus complexe et plus orientée vers l’avenir qu’on ne le suppose généralement
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Le portage salarial, un choix par défaut ?
Certains désignent le portage salarial comme un dispositif qui :
- Concernerait des personnes qui n’ont pas d’autre choix et qui donc peuvent difficilement s’épanouir dans cette situation.
- Aurait un intérêt limité : le Portage ne présenterait qu’un intérêt conjoncturel destiné à s’estomper avec la réduction du chômage des cadres.
- Pourrait facilement être remplacé par l’aménagement du statut d’indépendant.
- Ne rendrait qu’un service de gestion, et donc un service onéreux comparé au coût d’un cabinet d’expertise comptable.
Il est arbitraire de considérer que les personnes qui choisissent le Portage comme solution transitoire ou définitive n’ont pas d’autres choix. Au contraire, c’est en majorité la population des cadres la mieux pourvue en diplômes et en expérience qui se voit sollicitée pour son expertise professionnelle et peut donc se consacrer pour partie ou en totalité à des missions. Il s’agit donc de personnes beaucoup plus à même de retrouver un emploi sur un marché dont le taux de chômage représente moins de la moitié du taux de chômage global.
Par ailleurs, il serait difficile de soutenir de bonne foi qu’on peut se constituer une clientèle et lui offrir la qualité de service qu’elle attend à contrecœur. Le Portage tout comme l’autonomie en général est une situation à laquelle on se doit d’adhérer pour réussir.
Le Portage n’est pas non plus un outil conjoncturel. Nous l’avons démontré ci-dessus en indiquant que le niveau de chômage des cadres ne pouvait servir d’argument. Mieux encore, c’est en 2007 et 2008 que les entreprises de Portage ont le plus progressé suivant les données du SNEPS (Syndicat National des Entreprises de Portage Salarial), soit pendant les années récentes les plus favorables à l’emploi des cadres. Tout semble indiquer que le Portage Salarial répond à un besoin tendanciel, voire structurel. Notre société change en profondeur et le Portage est certainement une formule qui préfigure un nouveau rapport au travail, se situant à la conjonction des désirs des cadres et des besoins des organisations.
Remplacer le portage salarial par un aménagement du statut d’indépendant ?
Plusieurs raisons s’opposeraient à son remplacement par un aménagement du statut d’indépendant. Tout d’abord, il existe beaucoup plus qu’une nuance entre le choix de l’autonomie et celui de la solitude. Les meilleures entreprises de Portage, celles qui préfigurent l’avenir de la profession, s’attachent à former une véritable communauté de travail au sein de laquelle on trouve : un réseau de consultants, des clubs, une bourse d’échange de missions, des conférences… Même si un indépendant peut toujours s’inscrire à un club professionnel et il en existe d’excellents, il aura bien du mal à disposer d’un choix comparable à celui que peut offrir une communauté de travail, laquelle se révèle pourtant de plus en plus indispensable. On peut ajouter à ce premier argument l’importance que revêt la société aux yeux des tiers : notoriété, ancienneté, surface financière et référencement.
Enfin, le Portage salarial ne consiste pas seulement à transformer des honoraires en salaires, c’est-à-dire à faire des factures, les encaisser, et établir des fiches de paye. Le contrat établi pour une personne portée est un contrat de travail qui comporte toutes les obligations qu’un employeur doit remplir vis-à-vis de ses salariés. L’entreprise de Portage se doit d’être « organisée » au sens que la jurisprudence donne à ce terme, à savoir qu’elle doit comporter des instances représentatives du personnel avec lesquelles elle passe des accord conformes aux lois et décrets (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, accord senior, égalité hommes-femmes, accord sur le temps de travail…). Elle publie un règlement intérieur et se doit de refuser les missions qu’elle ne pourra assumer en cas de défaillance du consultant. L’entreprise de Portage permet également aux consultants d’accéder à la formation professionnelle et met l’accent sur ce point pour assurer pleinement son rôle de solution transitionnelle.
Ce dernier point met clairement en évidence une limite essentielle de l’exercice de la profession. Si toutefois le lien de subordination peut être considéré comme aménagé, il n’en est pas moins présent. Ainsi l’autonomie est une nouvelle modalité du salariat et elle s’affirme dans nombre de situations en dehors du Portage : cabinets classiques de conseil, management par projet, gestion par centres de profit, télétravail…
Le portage salarial, un service marchand ?
Considérer que le Portage Salarial n’est qu’un service marchand et à ce titre considérer le consultant comme un client roi est à l’évidence faire fausse route. L’employeur doit rester libre d’accepter ou de refuser une mission, de pouvoir contrôler l’activité des consultants, d’exercer son pouvoir disciplinaire si besoin. La plupart des consultants qui revendiquent leur appartenance à une société de Portage ont parfaitement conscience de cette nécessité. Ils la revendiquent même car cela leur évite d’avoir à courir certains risques que prend un indépendant et qu’ils ne sont pas prêts à courir.
Avec le Portage Salarial, le lien de subordination évolue mais ne disparaît pas. Cette évolution est nécessaire et les juges qui ont eu à se prononcer sur la valeur de contrats de travail émis par des sociétés de Portage ne s’y sont pas trompés. Mais on peut considérer que le législateur a franchi un pas de plus, et même un pas de géant, en acceptant d’inscrire dans la loi que le consultant doit rechercher ses missions. Il s’agit ni plus ni moins d’une dérogation au droit positif qui dit que « l’employeur doit fournir le travail ».
Cependant, cette mesure ne remet pas en cause la majorité des contrats de travail car la loi ainsi que l’accord de branche circonscrivent le Portage Salarial par plusieurs mesures : caractère exclusif de l’activité, accès réservé aux experts autonomes et aux seules prestations intellectuelles, 3 ans de durée maximum autorisée pour une mission avec un client unique.
Le Portage Salarial est devenu aujourd’hui le meilleur moyen de sortir du salariat conventionnel en limitant les risques liés à la précarité et au changement. Il permet de travailler au sein de véritables entreprises, avec une protection sociale identique à celle des cadres en poste, tout en pouvant revenir sur leur choix sans aucune difficulté. S’ajoutent à ces avantages indéniables, l’aide et l’entraide qu’ils peuvent y trouver pour réussir leur projet.
Nos 4 précédentes publications :
- Portage salarial : quels sont les profils concernés ?
- Pratiquer son activité en portage salarial : pourquoi ce choix ?
- De la transition entre deux emplois à l’autonomie en portage
- Portage salarial : à la recherche de l’autonomie professionnelle
Suite à l’ordonnance du 2 avril 2015, nous avons publié une série d’articles afin de vous donner une vision globale du portage salarial en France du point de vue des salariés portés.
1 commentaire
A propos de « le législateur a franchi un pas de plus, et même un pas de géant, en acceptant d’inscrire dans la loi que le consultant doit rechercher ses missions. Il s’agit ni plus ni moins d’une dérogation au droit positif qui dit que « l’employeur doit fournir le travail ».« , certains candidats au portage salarial me demandent : “avez-vous des offres de missions ?”, et même “est-ce que vous nous trouvez des missions ?”.
Ce qui amène à revenir sur les bonnes pratiques pour chercher des missions, sport commun à tout professionnel autonome, ainsi que je le rappelais dans l’article « Prestataires de services, experts solos : l’incontournable commercial » = http://www.enviedentreprendre.com/2015/05/prestataires-de-services-experts-solos-lincontournable-commercial.html